Petite réflexion personnelle suite à une très intéressante lecture ce week-end dans le supplément Télé du Nouvel Observateur…

Revenant sur les quinze ans de l’émission économique Capital sur M6, la journaliste Cécile Deffontaines l’aborde sous un angle particulièrement pertinent.

Comment le ton Capital, un savant mélange de “pédagogie économique” (pour le meilleur) et de “capacité à systématiser les choses” (pour le pire) a essaimé dans tous les médias.

Pour rappel, Capital, c’est ce type de lancement.

La journaliste du Nouvel Obs décrypte quelques techniques éditoriales qui ont fait le succès du magazine.

Deux exemples :

•  Clouter. En gros, prendre le téléspectateur par la main (les mauvaises langues diront “le prendre pour un con”) et lui raconter ce qu’il voit à l’image. Cas pratique. A l’image : une femme marche dans la rue et rentre dans un restaurant. Voix off : “cette femme marche dans la rue et va rentrer dans un restaurant”. “Ce n’est pas qu’on considère les gens comme des imbéciles, mais on sait comment est consommée la télévision”, plaide un ancien du magazine.

•  L’emploi d’un vocabulaire grandiloquent.  “On appliquait des mots très nobles, Saga, Epopée à des objets considérés comme banal comme un yaourt ou un canapé”, poursuit-il.

A l’époque, cette écriture directe et concrète, ce « ton Capital »  était une révolution. “L’économie était (jusque là) traitée sous forme de grands débats généraux, type - Faut-il sortir du Système Monétaire Européen“.

Cette écriture a aujourd’hui a fait école tous les médias, dans l’audiovisuel, mais également à la radio et dans la presse. Jusqu’à l’overdose. 

D’Envoyé Spécial (où un tiers des permanents sont passés par Capital, indique la journaliste) à la PQR en passant par les JT, on retrouve quasiment partout cette même écriture avec ses questionnements à répétition (« Qui sont les nouveaux riches ? D’où viennent-ils ? »), cette même ponctuation de vocabulaire (« Enquête », « Reportage »), cette même grammaire (phrases sans verbes)… Je plaide coupable : comme journaliste, j’ai moi-même longtemps piger  pour une rubrique “saga de la semaine” dans un hebdo économique.

Et si finalement, c’était un peu la même chose pour l’écriture web ?

Je m’explique.

La façon d’écrire des bloggeurs qui se caractérisait à sa naissance par sa liberté de ton, face aux carcans d’une écriture “journalistique” très cadrée, n’a-t-elle pas tendance à devenir la norme ? Aujourd’hui, ce ton blog  semble commencer à faire comme Capital : jurisprudence dans les médias.

Je me souviens avoir travaillé pour un supplément papier pour un magazine féminin très connu. “Ecrivez plus blog !“, m’avait dit la rédactrice en chef en relisant mes papiers.

Faire blog.

Or, il me semble que toute information ne doit pas forcément se raconter à la première personne. Toutes les coulisses ne sont pas forcément intéressantes à montrer.

Tout ne prête pas au participatif.

Je commence à saturer des systématiques « Dix points pour »… de voir tous les notes finir par « Et vous, qu’en pensez vous ? ». « Le ton nouveau » de la conversation n’est peut-être plus si nouveau que cela.

Personnellement, j’aime sur la toile cette diversité des écritures. Drôles ou très terre-à-terre, techniques, doctes ou bien de mauvaise foi.

Mais j’aime également lire en silence et sans vouloir réagir ni voter les reportages léchés de la page 3 du Monde, les analyses très techniques d’Alternatives Economiques ou écouter  l’émission foisonnante de RFI « les auditeurs ont la parole ”  “Appels sur l’actualité”.

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